Le gouvernement tente encore de faire avancer son projet idéologique de développement des maternelles 4 ans au Québec. Pourtant déjà en 2020, le Journal de Québec rapportait que la «psychologue et professeure au département d’éducation et formation spécialisées de l’UQAM, Christa Japel estime que les écoles ne sont pas à l’heure actuelle adaptées pour accueillir des petits de 4 ans.»
Nous voilà en 2023 : le Grand chantier des familles est en expansion grâce à la détermination remarquable des dizaines de gestionnaires qui ont accepté de relever le défi du développement. Et pourtant le ministre de l’Éducation actuel maintient sa position : les maternelles 4 ans doivent être développées. La question à se poser est simple: pourquoi?
À part pour quelques exceptions dans des milieux très particuliers et pour des raisons d’accessibilité notamment géographiques, nous sommes persuadées que la maternelle 4 ans ne constitue pas du tout la meilleure proposition qui soit pour les enfants du Québec.
C’est un secret de Polichinelle que le réseau des CPE/BC est celui qui répond le mieux au développement global des enfants. L’ancien ministre Mathieu Lacombe disait en mai 2022 que «les CPE n’ont rien à envier aux classes de maternelle 4 ans. (…) Je suis très très fier de ça, mais on le savait très bien que le niveau de qualité dans les CPE était très élevé et qu’on n'avait rien à envier aux classes de maternelle 4 ans.»
La liste des raisons est longue: son programme éducatif, la formation de ses professionnelles, son aménagement intérieur et extérieur, ses projets pédagogiques et surtout, la place centrale essentielle accordée à l’apprentissage par le jeu, font du CPE et de la garde éducative en milieu familial le cadre à privilégier pour consolider le projet de société dont nous sommes les principales actrices.
On aura beau se faire dire que « les maternelles 4 ans sont le seul projet vraiment structurant qu’ait vu notre réseau de l’éducation depuis des décennies » (Emmanuelle Latraverse, 20 janvier 2023), cela ne nous permet pas d’accepter que le gouvernement engloutisse des sommes monstrueuses dans un système qui ne répond pas du tout aux besoins des enfants de 4 ans, ni aux préférences des parents.
La maternelle 4 ans mur à mur, personne n’en veut. Surtout parce que les CPE/BC répondent déjà à ce qui est prioritaire en termes de prévention et d’égalité des chances. Pourquoi ne pas investir les fonds publics au bon endroit? Pourquoi ne pas écouter les précieux conseils des chercheurs spécialisés en petite enfance?
Et n’oublions pas que c’est dans la continuité que doivent se faire les interventions, particulièrement quand il s’agit d’enfants de milieux vulnérables ou qui ont besoin d’accompagnement plus ciblé : on parle donc d’intervenir dès l’entrée en CPE et avec la collaboration étroite des parents. Donc sur une période de 2, 3 quelquefois 4 ans, de façon continue, stable et soutenue. On est loin d’une intervention faite en catastrophe pendant 9 mois, de septembre à juin, dans un environnement inadéquat pour ses besoins affectifs et physiques, avec des adultes qui n’ont pas la formation adéquate. Somme toute, ce n’est pas ce qu’on pourrait appeler intervenir tôt pour un meilleur départ dans la vie.
Et tout ça, sans parler des nombreux obstacles à la qualité pour ces tout-petits : repas à la cafétéria, salles de toilette, cours d’école, transport scolaire, non-respect du rythme de l’enfant, dangers de la scolarisation précoce, nombreuses journées pédagogiques, vacances estivales… C’est beaucoup demander à un enfant de 4 ans, non?
Élyse Lebeau, MBA, Adm.A.
1er février 2023