Femmes gestionnaires et place des hommes dans notre réseau

entnte edito

La semaine dernière se tenait la première journée nationale des cadres en CPE/BC. Avec le plus de délicatesse possible, nous avons tenté de rallier les 1900 gestionnaires de notre beau réseau autour d’un message unique : l’urgence d’augmenter le rayonnement des cadres, ainsi que l’importance de faire parler de vous, de votre profession, de vos responsabilités.

Lors de notre Assemblée générale spéciale d’octobre, les membres présents ont voté en faveur d’une campagne promotionnelle dont le message clé serait le manque de reconnaissance lié au fait que les gestionnaires sont à plus de 98% des femmes. Notre campagne des gestionnaires de l’ombre et, dans une moindre mesure, celle de la journée nationale, ont donc été mises en place pour dénoncer la situation toujours inéquitable qui sévit actuellement dans le milieu de la gestion. 

Comme on le sait trop bien, ça fait déjà (et seulement) 26 ans que le Québec a adopté la Loi sur l’équité salariale. Le sujet est malheureusement toujours d’actualité. Oui, l’écart salarial hommes-femmes a peu à peu diminué au fil des ans, mais les femmes gagnent encore aujourd’hui >en moyenne 0,89 $ pour chaque dollar gagné par leurs collègues masculins, selon Statistique Canada.

Le milieu de de la petite enfance, comme celui des soins infirmiers et celui de l’éducation, ont été construit par des femmes, d’abord par des religieuses. On ne peut nier que cela a largement teinté l’environnement de travail de ces milieux. Les emplois de soin à la personne et d’éducation (autant l’éducation populaire ou familiale que la scolarisation institutionnelle) ont longtemps été considérés comme des responsabilités féminines : prendre soin des malades, des enfants, des aîné.es. Travail de l’ombre, travail crucial pour une société, mais travail non ou peu rémunéré.

Dans les premières garderies populaires du tournant des années 1970, les éducatrices étaient ce qu’on peut appeler des missionnaires... Et que dire des directrices qui, à l’époque, étaient loin d’en porter le titre. Au mieux, on les appelait des coordonnatrices, ou des responsables de garderies.
Pourquoi parler de cette petite histoire qui a tissé notre réalité actuelle? D’abord parce qu’il est important de se rappeler d’où l’on vient : si Pauline Marois a « créé » notre réseau de CPE en 1997, c’est, entre autres, parce qu’elle a vécu de l’intérieur les balbutiements des garderies de quartier et avait la certitude qu’elles devaient être officiellement reconnues comme des services essentiels.Mais il me semblait aussi important de le rappeler parce que si aujourd’hui nous sommes encore à négocier des conditions salariales décentes et représentatives de l’importance de notre travail en CPE/BC, c’est parce qu’il s’agit – hé oui ! – d’un réseau de femmes. Je suis persuadée que jamais, si 98% de nos cadres avaient été des hommes, nous n’aurions eu besoin de mobiliser les troupes pour vous faire sortir de l’ombre.
 
C’est pourquoi le féminin a été utilisé dans les slogans de notre campagne de visibilité et des vidéos qui en ont été le cœur.
 
Toutefois, cette position éditoriale demandée et appuyée par nos membres ne signifie absolument pas que l’Association, ses employées ou ses administratrices veulent nier cette évidence : la faible représentation des hommes dans notre réseau est AUSSI une donnée préoccupante. Je suis convaincue qu’avec des salaires plus élevés, les hommes auront plus d’intérêts envers ces postes… mais ce n’est pas encore gagné! On a avantage à se solidariser pour y arriver.
 
Jamais l’ACCPE ne veut ou n’a voulu exclure qui que ce soit, au contraire. Nous voulons seulement dénoncer une situation inadmissible qui dure depuis des décennies, et qui (peut-être) sera réglée grâce à nos actions conjointes. Notre réseau doit continuer à dire haut et fort qu’il est dirigé majoritairement par des femmes (sans rien enlever aux hommes) et qu’il n’y a aucune raison valable pour ne pas continuer à défendre ce point de vue. Au contraire, on souhaite que les hommes du réseau dénoncent les iniquités!
 
Pour y parvenir, il y a les actions : 

Siéger aux comités politiques, être représentées au comité de négo, relayer les outils de promotion, déposer des candidatures de gestionnaires de CPE/BC au plus grand nombre de concours (Chambres de commerce, associations professionnelles, gouvernements, etc.), dénoncer les iniquités en écrivant et en rencontrant les élus locaux, communiquer les bons coups de nos milieux aux médias, occuper la place, quoi!

Mais pour y parvenir, il y a aussi les mots.
 
L’Association est fière d’utiliser la communication inclusive (ils.elles, éducateurs.trices, directeurs.trices, etc.) dans l’ensemble de ses communications régulières. En général, c’est ce que nous faisons (ou tentons de faire, ce n’est pas toujours simple!). Mais la communication inclusive transmet aussi une illusion: celle d’avoir atteint l’équité. 
 
Si nous avions utilisé une communication inclusive dans notre campagne « Femmes gestionnaires, cheffes d’orchestre de l’ombre », cela aurait confirmé cette illusion. Normalement, nous faisons bien attention d’inclure toutes les personnes membres de l’Asso, la majorité comme les minorités. Mais cette fois-ci, il nous semblait faux de croire en une plus grande mobilisation des personnes visées par notre campagne. La mobilisation, cette fois-ci particulièrement, nous semblait dépendre de cette décision éditoriale. 
 
On compte sur les 1 ou 2% de directeurs généraux et directeurs adjoints pour dénoncer l’iniquité dont leurs 98-99% collègues sont victimes. Ensemble, nous devons prendre position pour faire changer le cours de notre Histoire, faire comprendre que la loi sur l’équité salariale n’est pas une décoration.
 
Soyons fières (et fiers) de diriger ce beau réseau chouchou des Québécois.es et surtout, gardons nos énergies pour célébrer ensemble les victoires à venir en matière d’équité! Restons fort.es et uni.es!
 
Élyse Lebeau
5 avril 2023
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