Les plus ancien-nes se rappelleront peut-être que les quelques députées féminines des années 1970 avaient de grandes décisions à prendre quant à leur choix d’être mères tout en restant parlementaires. Certaines pionnières de la première heure auront même en mémoire des comités où Pauline Marois, jeune élue, allaitait son bébé. À toutes ces jeunes femmes, on leur adressait clairement le message que la question de la conciliation travail-famille ne regardait qu’elles. Elles veulent travailler en plus d’avoir une famille? Pas de problème! Mais qu’elles se trouvent une solution!Je cherche en vain un document d’archive qui démontrerait que les parlementaires pères recevaient des commentaires similaires. À ce propos, Chantal Soucy, députée de Saint-Hyacinthe et vice-présidente de l’Assemblée nationale,
> déclarait récemment que quand la majorité des élus étaient des hommes de 60 ans, la garderie n’était pas une préoccupation. Peut-être. Évidemment, un père de famille d’alors pouvait compter sur son épouse pour prendre soin de la petite famille. Jamais n’était-il question qu’il prenne congé pour aller à la clinique, chez le dentiste, à l’école rencontrer l’enseignante, magasiner les souliers de course…Mais il y avait quand même des femmes parlementaires. Alors pourquoi cette préoccupation n’a-t-elle jamais été entendue dans les années 1980, 1990, 2000, 2010?Il a fallu plus de cinq décennies pour que les élu-es de l’Assemblée nationale aient accès à leur service de garde en milieu de travail, le Conseil des petits trésors. Cette halte-garderie a fait les manchettes aux lendemains de son ouverture le 13 septembre dernier. On dira évidemment qu’il était temps.À l’instar des médias qui ont couvert l’évènement, je demanderais pourquoi l’Assemblée nationale a attendu aussi longtemps avant que ça arrive. Je pourrais également dire que sans les femmes parlementaires, la halte-garderie n’aurait pu voir le jour.Jamais je ne nierai l’importance du travail qu’ont effectué certaines députées dans l’obtention du service de garde. Pourtant, l’une des premières sorties médiatiques dénonçant les problèmes de conciliation travail-famille date d’il y a à peine 5 ans, et provient de Luc Fortin, ancien ministre de la Famille. Il déplorait qu’un parlementaire >
n’ait pas accès aux congés parentaux :
« L’Assemblée nationale du Québec, en 2018, est dépassée sur certains aspects, et ça a des impacts directs sur la volonté des jeunes de faire de la politique. »
C’est donc seulement en 2018 que l’Assemblée nationale a pris conscience de la situation difficile, vécue par les jeunes parents. Les oreilles se sont soudainement tendues, à l’écoute de l’appel lancé par… un jeune papa. Cela faisait des décennies que la situation se perpétuait, mais jamais l’Assemblée nationale n’a daigné prendre de décisions en appui aux jeunes mamans.
Les mentalités changent, c’est tant mieux et nécessaire. Mais quelquefois, on se croirait encore dans les années mille-neuf-cent tranquille. Pourquoi >un grand média se permet-il cette semaine de titrer un article «Pas facile pour les mères de faire face au manque de places en garderie»? Est-ce à dire que le manque de places n’a aucun impact sur la vie professionnelle des pères?
La question des responsabilités parentales reste un sujet complexe et sensible, encore aujourd’hui. Les défis liés à la garde d'enfants touchent effectivement les mères de manière significative, mais il est tout aussi important de reconnaître l'importance du rôle des pères dans la parentalité. Le partage des responsabilités familiales est au centre de toute cette réflexion; les deux parents devraient avoir la possibilité de concilier carrière et vie familiale. C'est une question d'équité et de reconnaissance du travail parental, peu importe le genre.
Et pour ce qui est de l’Assemblée nationale et de sa nouvelle halte-garderie, ce qui a fait pencher la balance en faveur de son ouverture, c’est parce que les jeunes papas parlementaires l’ont demandé. Il faudra que quelqu’un me donne de solides arguments pour me convaincre de l’inverse.
Ça fait plus de 50 ans que c’est une nécessité pour les mamans, dont les voix se perdent dans le désert. Aujourd’hui, les jeunes papas élus assument leurs responsabilités familiales. La demande est entendue.
Élyse Lebeau, MBA, Adm.A.
Le 4 octobre 2023